Histoires

La chute de Huambo


Par Cédric Favero TU5KY

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Fin octobre 1994 en Angola, l'armée du gouvernement angolais a commencé à avancer sur la ville de Huambo par l'ouest et le sud. Les humanitaires réduisent leur personnel et il est convenu qu’à l’invitation du CICR, l’ensemble du personnel expatrié encore sur place déménage dans la délégation du CICR (un ancien centre orthopédique) située à Bomba Alta, à environ 3 km à l'est du centre ville.

 

 

Le complexe n'était pas dans la ligne de mire des belligérants et se trouvait légèrement en dehors de la ville. Les organisations ont convenu que les travailleurs humanitaires seraient plus en sécurité ensemble. Le 5 novembre 1994, tous les travailleurs humanitaires expatriés (31 du CICR et 23 des agences des Nations Unies et des ONG) se trouvent à Bomba Alta.

 

Les combats font rage dans le centre de la ville. La population civile fui la ville en direction de Katchiungo. Durant cet exode, la délégation du CICR va presque être entièrement pillée, d’abord par la population, puis dans un deuxième temps par les militaires fuyants l’avancée des troupes gouvernementales. Une cinquantaine de véhicule, des tonnes de vivres, ainsi que l’ensemble de nos affaires personnelles disparaissent. Au prix de négociation avec des militaires surexcités, quand ils ne sont pas ivres, et quelques prises de risque, nous parvenons à sauver la salle radio et quelques panneaux solaires, si bien que malgré le pillage, nous sommes en mesure de communiquer. Nous avons à notre disposition 2 émetteurs VHF Motorola GM-300, quelques portables GP-300, 3 émetteurs HF Icom 700TY, 1 émetteur VHF Aviation Dittel et un téléphone satellite Inmarsat Sat-M qui, emballeé  dans un pouch CICR, ne me quitte jamais car nous craignons d’être "invités" à accompagner les troupes de l’UNITA dans leur retrait. Il n’en sera rien.

 

Je me retrouve enfermé dans la salle radio, en compagnie de la coordinatrice assistance du CICR (en charge, le chef de sous-délégation étant en dehors du pays) et le responsable d’UCAH (Nations Unies), tous les trois couchés sous les lourdes tables de la salle radio en raison des tirs sporadiques qui ont lieu dans le secteur. Notre centre de communication nous permet d’établir le contact avec la délégation du CICR à Luanda (la capitale), Lobito (sous-délégation logistique et base aérienne) ainsi qu’avec l’UCAH et les forces aériennes angolaises qui effectuent de fréquents raids. Le contact est également établi avec les forces de l’UNITA puis, les FAA (forces gouvernementales) dès que ces dernières ont pris le contrôle de la ville.

 

Le chef de sous-délégation est de retour en Angola et, en compagnie du directeur du PAM, ils se rendent à la base aérienne de Catumbela, près de Lobito, pour renforcer les contacts avec le gouvernement et surtout l’armée angolaise qui y a son centre de commandement.

 

Désormais, hormis les problèmes du quotidien de l’équipe coincée à Huambo (nourriture, eau, hygiène, etc..) il faut trouver un moyen d’évacuer en toute sécurité 54 personnes. La solution terrestre est vite abandonnée, la seule route en direction de la côte étant minée et inaccessible. La piste de l’aéroport ayant été bombardée en son centre, elle est inutilisable telle-quelle. L’option des hélicoptères est avancée, mais les seuls ceux dont disposent les Nations Unies sont au Mozambique et plusieurs semaines seraient nécessaire pour les rendre opérationnels en Angola.

 

Notre salut viendra tout de même du ciel. Le rapport d’un vol de reconnaissance des forces aériennes angolaises est partagé avec les Nations Unies et le CICR. Les pilotes de notre DC-3 réalisent que leur avion est en mesure d’atterrir, non pas sur la piste principale, mais sur la piste de roulage. L’avion étant en mode cargo, et les 54 futurs passagers n’ayant aucun bagage, ils estiment qu’une évacuation, en une unique rotation, est possible.

 

Le vendredi 11 novembre, après que les garanties de sécurité ont été obtenues, nous quittons Bomba Alta à bord de camions de l’armée angolaise en direction de l’aéroport de Huambo. Le DC-3 nous amènera sans encombre à Catumbela, puis nous rejoindrons Luanda dans la soirée.


3 mois plus tard, le 15 décembre, le DC-3 qui nous a évacué, s’écrase au décollage de Lobito, très probablement à la suite d’un mauvais arrimage des 4 tonnes de cargo. Les 2 pilotes périrent dans l’accident.

 

Cédric Favero TU5KY

 

 

 

 

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