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Boudu sauvé des eaux

 

Histoire vraie à l'intention de mes petits-enfants Max, Zoé, Lia, Nils et Tim

 

 

Cela faisait plusieurs jours que j'avais des phénomènes inexpliqués dans mon shack. Des feuilles de carton qui  tombaient toutes seules des étagères et des objets au sol qui se déplaçaient tous seuls. Au début je n'y ai pas pris garde, pensant  que c'était l'effet des courants d'air.

 

Mais le désordre a augmenté et je commençais à voir des feuilles de papier chiffonnées au sol. Et puis hier j'ai entendu du bruit juste devant moi et j'ai cherché. Et je l'ai vu. C'était mon copain Boudu-le-hérisson. Il était caché sous l'étagère que j'ai devant moi lorsque je suis assis à mon bureau, les yeux dans le vague.

 

"Que fais-tu là Boudu? Tu es au chaud bien-sûr mais il n'y a rien à manger ni à boire ici, alors qu'à l'extérieur il y a beaucoup de limaces dont tu te régales."

 

Il ne m'a même pas regardé, mais s'est mis en boule, c'est son système de défense contre les prédateurs. C'était un peu tard pour le faire partir alors je lui ai laissé une nuit de répit. Il a bien dormi, sans faire de bruit. Mais ce matin, je me suis mis en tête de le déloger.

 

Parce qu'avoir un SDF (Sans Domicile Fixe) comme lui c'est sympa mais dérangeant tout de même. J'ai retrouvé quelques cacas sur la moquette ce matin.

 

Il était invisible et il m'a fallu presque une heure pour le retrouver. Il était caché derrière une étagère sur laquelle sont posés des ordinateurs. Je l'ai tirée en avant et Boudu, l'objet de ma recherche, est apparu, tout éberlué de se retrouver au grand jour.

 

Je le vois de temps en temps Boudu, et surtout je l'entends la nuit lorsqu'il part à la chasse au limaces, son repas préféré. Il me rend bien service de manger ces gastropodes car il y a en beaucoup autour de chez moi. L'an passé j'ai bien dû en tuer une centaine tellement il y en avait.

 

Je l'appelle Boudu en référence au film "Boudu sauvé des eaux" de Jean Renoir dans lequel joue Michel Simon. C'est l'histoire d'un clochard recueilli  par un brave homme alors qu'il se noyait. Le clochard pas le brave homme.

 

Il le loge chez lui, lui donne à manger, l'habille, bref tente de le civiliser. Comme mon hérisson, Boudu met le bordel dans la famille de ce brave homme et finalement il repart là d'où il était venu, dans la nature.

 

Bref, après l'avoir repéré derrière le chariot, je tente de le déloger mais il ne veut pas. Il se met en boule, tous piquants dehors, le nez dans les pattes,  et refuse de bouger. Je dois alors lui faire de la place et retire tout ce qu'il y devant lui afin qu'il se décide à repartir à l'air libre. Mais non, il ne comprend pas.

 

"Tu comprends Michel, je ne te connais finalement pas. Je te vois bien de temps en temps, affairé autour de la maison, mais nous n'avons jamais parlé. "

 

"Tu es peut-être un méchant, je ne sais pas. Je me méfie des humains, qui ont tout de même inventé la bombe atomique et qui n'arrêtent pas de se faire la guerre. Bien-sûr je vois tes antennes et je sais que tu es radioamateur mais on ne sait jamais."

 

"Donc je ne bouge pas. Il te faudra trouver le moyen de me chasser si tu veux me voir partir."

 

 

OK, j'ai compris. Je prend donc un balais assez dur que j'utilise pour balayer  devant le garage. J'essaye de lui faire comprendre qu'il doit partir en lui tapotant les flancs. Mais non, il refuse, il ne bouge pas d'un centimètre.

 

Je ne peux tout-de-même pas le prendre dans mes mains pour le mettre dehors car un hérisson ça pique et ça fait mal. On les voit bien ses piques sur la photo.

 

Je déblaye tout ce qu'il y a entre lui et la sortie et fait un couloir avec les cartons qu'il a fait tomber. Et je le pousse avec le balais. Mais il se cramponne comme un malade avec ses papattes. Je dois donc le faire glisser sur le sol en le poussant en avant. La porte du garage est grande ouverte et je me dis que, lorsqu'il la verra, il partira avec toute la vitesses de ses petites pattes.

 

Eh bien non, Môssieur ne veut pas, il essaye même de revenir en arrière. Il m'aime ce hérisson! Finalement je le dépose sur le seuil du garage et là il comprend enfin que je suis un brave homme qui ne lui veut que du bien.

 

"C'est vrai Michel, tu n'est pas fâché que j'aie mis le bazar dans ton bureau? Tu ne m'en veux pas?"

 

"Mais non que je ne t'en veux pas gros ballot. Je veux simplement te remettre dans ton monde, la nature, afin que tu puisses boire l'eau de pluie dans la pierre à moudre néololithique qui me sert de fontaine à oiseaux et te nourrir des limaces qui mangent mes salades."

 

Alors il comprend. Il me regarde, me fait un clin d'oeil et sort du garage. Puis, voyant qu'il n'y a pas de chats ou de chien, ses ennemis personnels, à l'horizon, il part en courant rejoindre son lieu de vie, le jardin.

 

   

 

"Salut Michel, merci de m'avoir remis dans la nature. Ce n'est pas que je m'ennuie avec toi, mais je n'ai pas mangé ni bu depuis quatre jours. J'y vais. Salut et à une autre fois!"

 


Boudu-le-hérisson, petite bête sympathique et innofensive

 

Michel Vonlanthen
11 septembre 2015