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Un Filtre 437 MHz de rêve

A flancs très raides et à fréquence centrale variable
 

Par Michel Vonlanthen HB9AFO

 

Au début de l'année 2016, Henry F4WBG/HB9VJU m'avait fait parlé d'un filtre 437 MHZ qu'il avait réalisé avec des filtres à ondes de surface qu'il avait trouvé sur E-Bay. Il en avait mis deux en série et obtenait ainsi une courbe de rêve: 3MHz à -3dB et 5 MHz à -60dB ! Les FOS (Filtre à Ondes de Surface, SAW en anglais) étant centrés sur
44 MHz, il avait fait une conversion de fréquence avant (437-> 44 MHz) et une après (44 -> 437 MHz) afin d'obtenir une filtre centré sur 437 MHZ, notre  fréquence de travail DATV sur la bande des 70 cm. Les deux mélangeurs étaient attaqués par le même oscillateur.

 


Fig 1: Filtre FOS Epcos X6959D

 

 

Je m'étais alors posé la question de savoir s'il était possible de construire le même filtre mais avec un oscillateur à fréquence variable afin de pouvoir déplacer la fréquence centrale du filtre. J'imaginais ainsi pouvoir sélectionner en temps réel la partie de bande utilisable en cas de QRM.

 

 


Fig 2: Principe du filtre à fréquence centrale variable

 

Eh bien oui, c'est possible mais cela m'a pris plus d'une année pour concrétiser ce rêve. Au final, j'ai obtenu un filtre à flancs très raides (2 MHz à -10dB et 3 MHz à -60 dB) et dont je peux déplacer de 10 MHz la fréquence centrale au moyen d'un potentiomètre.

 

C'est vraiment très utile de pouvoir déplacer ainsi une bande passante. Lorsqu'un QRM surgit pas trop loin de la fréquence de travail, il suffit de déplacer la fréquence du filtre afin de repousser le QRM à l'extérieur. Le filtre faisant 2 MHz de large et nos transmissions DATV en général moins que 1 MHz, il est toujours possible de trouver un endroit libre dans la bande et de le cadrer avec le filtre.

 

Mon filtre est centré sur 437 MHz mais il est possible de l'adapter à n'importe-quelle fréquence simplement en changeant l'oscillateur variable et le filtre passe-bas. Ce doit être possible entre 50 à 1000 MHz je pense, mais je ne l'ai pas testé.

 

 

La réalisation

 

En théorie tout paraît simple mais j'ai dû faire face à quelques embûches. Tout d'abord les fuites de HF qui faisaient plafonner l'atténuation des signaux hors filtre à -20dB. Cela provenait du circuit-imprimé dont les pistes étaient mal disposées. Il faut dire que j'étais en plein dans la réalisation de mes modules HF universels afin de pouvoir réaliser rapidement toutes sortes de convertisseurs, dont ce filtre. J'avais conçu des amplificateurs apériodiques, des amplificateurs sélectifs utilisant plusieurs types de filtres, des mélangeurs et des oscillateurs. Tous fonctionnaient à merveille mais je n'avais pas été confronté à la question de la diaphonie. J'ai donc dû réaliser plusieurs circuits avant d'arriver au résultat escompté.

 

Mes circuits universels font tous 35 mm de large afin de pouvoir les insérer dans des boîtiers Schubert, en fer blanc plié. Leur longueur est aussi standard, 35 mm, mais certains font moins, par exemple le filtre apériodique (afin de le faire précéder, si nécessaire, d'un filtre réalisé avec des éléments de très bonne qualité UHF. A noter que c'est avec ce montage que j'ai gagné le contest des préamplificateurs 144 MHz à faible souffle de la réunion EME 2014 à Pleumeur-Bodou). Le mélangeur passif est également plus court.

 

Fig 3: Ampli 144 MHz à faible souffle et forte tenue aux signaux forts

 

Les entrées et sorties se font toutes sur une impédance de 50 Ohms, ce qui rend les montages inconditionnellement stables. Chaque circuit est physiquement conçu afin que sa sortie aboutisse sur l'entrée du circuit suivant au moyen d'une ligne à impédance de 50 Ohms. L'alimentation se fait en 12 Volts, le circuit étant protégé contre les inversions accidentelles de polarité par une diode série et par un régulateur 5V. De nombreux découplages "assagissent" les composants HF.

 

Le matériau utilisé est du FR4 double-face standard en époxy de 1,5 mm d'épaisseur. Le plan de masse n'est pas gravé et reste entier. Seuls quelques trous y sont détourés au foret afin d'éviter des court-circuits des fils traversants. Je préfère cette fabrication artisanale car ainsi je domine le développement d'un circuit de A à Z. Le matin je dessine le schéma du circuit au moyen du logiciel S-Plan (Abacom) et le circuit-imprimé avec S-Layout. Ensuite j'imprime le  typon sur du palier calque au moyen d'un imprimante à laser, j'insole le circuit de base pré-sensibilisé dans un banc à ultra-violets, je le développe à la soude caustique et le grave ensuite dans une solution d'acide chlorhydrique, d'eau oxygénée et d'eau. Pour terminer je perce mes trous au moyen d'une perceuse à colonne Dremel, idéale pour cet usage et bon marché de surcroît. Et le soir tout est réalisé !

 

Si l'intérêt s'en fait sentir, je pourrai détailler la méthode d'élaboration des circuits-imprimés dans un autre article, mais sachez que je fabrique moi-même tous mes circuits de façon artisanale, ce qui me permet de passer très rapidement de l'idée à l'application. Il me faut en général un jour pour dessiner le schéma, le plan du circuit et  le réaliser. L'idée le matin et le circuit monté et fonctionnel le soir, c'est comme cela que j'aime travailler!

 

Côté montage, rien de spécial à dire pour les composants passifs, il suffit d'un bon fer à souder (Weller), d'une bonne paire de lunettes  (et d'une loupe pour les contrôles), et d'un fil de soudure de 0.5 mm de diamètre. Par contre il faudra prendre la précaution de tout mettre à la masse pour souder les composants actifs, le PGA103+ entre autres, sans quoi l'IC serait irrémédiablement détruit par l'électricité statique. En pratique je soude sur un tapis antistatique relié à la masse du fer à souder qui lui est mis à la masse du secteur 230V. La masse du print à souder y est reliée, de même que mon poignet à l'aide d'un bracelet prévu pour cet usage.

 

Avec l'âge, mes yeux se sont dégradés et je dois souvent souder ou visser des composants "au toucher". J'arrive cependant sans problème à disposer les composants sur le circuit-imprimé, d'autant plus que je prends la précaution de ne pas trop les serrer lorsque je dessine le print avec le logiciel S-Layout. Mes mains sont aussi devenues moins sûres et je dois prendre quelques appuis pour ne pas trop trembler mais j'arrive à  mes fins. Un petit étau de table Uni-Spann de bonne qualité et orientable est une aide appréciable lors de l'opération soudure. En un mot comme en mille, malgré les atteintes de l'âge ("ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie!" Molière dixit), j'arrive sans trop de problèmes à fabriquer mes propres circuits-imprimés. Bien-sûr je pourrais les faire tirer par une entreprise professionnelle mais cela induirait un délai de plusieurs semaines ce que mon impatience congénitale ne supporte pas... Il est possible cependant que je fasse tirer quelques uns des modules les plus courants par la suite, surtout si d'autres que moi désirent les utiliser dans leurs montages. Nous en reparlerons peut-être.

 

 

Le schéma

 

Il consiste en deux amplificateurs identiques à FOS pris en sandwich entre deux mélangeurs, ces derniers alimentés par le même oscillateur à la fréquence de 393 MHz (437- 44 MHz). Les deux amplis à FOS sont montés dans un boîtier Schubert afin de les isoler du reste du montage.

 

 

Dans le détail, de gauche à droite sur le schéma:
 

Le mélangeur 437-44 MHz, filtre passe-bas 50 MHz, amplificateur apériodique, 1er FOS 44 MHz + ampli, 2ème FOS 44 MHz + ampli, mélangeur 44-437 MHz.

 

L'oscillateur, quant-à lui, se compose de l'oscillateur VCO POS-535+ commandé par une tension variable de 6 à 6,5 Volts délivrée par le potentiomètre (1 tour) de 5 kOhms et ses résistances associées. Sa tension est régule à 8 Volts grâce au 78L08. A noter qu'elle gagnerait à être mieux régulée à l'aide d'un régulateur de précision afin qu'elle ne varie pas quelle que soit la valeur du 12 Volts. En pratique il faut quelquefois réajuster la tension au moyen du petit ajustable de 10k 10 tours. Un splitter Mini-Circuits répartit le signal HF de sortie vers les 2 mélangeurs. Le potentiomètre de 100 Ohms permet d'ajuster très précisément la valeur d'injection LO des mixers, ni trop, ni trop peu.

 

 

Fig 4: Schéma complet du filtre

 

Le schéma est un peu particulier en ce sens qu'il est constitué de plusieurs modules universels ce qui rend certaines parties redondantes. En cas de réalisation sur un print unique, il est bien-sûr possible de le simplifier en ne mettant, par exemple, qu'un seul régulateur 5V.

 

Les composants proviennent de RF Elettronica (Rota) pour les spéciaux et de chez Reichelt (DL) pour les courants.   Le circuit FOS Epcos X6959D peut se trouver sans problème sur E-Bay. J'utilise essentiellement des composants  CMS (Composants à Montage de Surface), c'est tellement pratique de les souder sur le dessus du circuit-imprimé!

 

 

Protection contre les inversions accidentelles de polarité

 

J'ai pris l'habitude de protéger tous les montages que je construis contre les inversions accidentelles de la polarité de la tension d'alimentation de 12 Volts. Cela m'est indispensable car il m'est moultes fois arrivé d'être en portable, pris par l'excitation du trafic, et d'inverser les fiches bananes qui équipent une des extrémités de mes câbles d'alimentation. Normalement c'est "le bleu sur le bouton bleu et le rouge sur le bouton rouge" ("La 7ème compagnie au clair de lune" dixit), donc la fiche rouge sur le positif et la noire sur la masse. En cas d'inversion, il y a de fortes chances (si l'on peut dire) de griller quelques composants du montage alimenté. Il faut donc pallier à ce genre d'erreur.

 

Bien-sûr vous allez me dire "Pourquoi utiliser des fiches bananes plutôt qu'un connecteur d'alimentation non inversible?". Eh bien parce qu'en portable, c'est très pratique de pouvoir connecter une alimentation à n'importe-quoi, à l'aide de pinces crocodiles s'il le faut. Avec un connecteur soudé et fermé, comment le réparer s'il se dessoude en pleine montagne? Et comment mesurer une tension avec les fils du voltmètre si le connecteur est petit et coaxial? C'est pour toutes ces raisons que j'ai normalisé des câbles d'alimentation 12 Volts avec d'une côté deux fiches bananes 4 mm et de l'autre un connecteur d'alimentation coaxial pour appareil.

 

J'ai donc développé un petit circuit équipé d'un relais mécanique qui empêche le 12 Volts d'arriver à l'appareil connecté en cas d'inversion de polarité.  Le schéma est biblique de simplicité (quoique la Bible, elle, pas toujours...): un relais est alimenté à travers une diode qui impose une tension positif en entrée. SI c'est une négative, la diode ne conduit pas et le relais ne tire pas. Les contacts du relais sont reliés au +12 V  entrant et l'acheminent en sortie lorsque le relais tire. Au final, on peut inverser les fils d'alimentation mais il ne se passe rien: le relais ne tire tout simplement pas. En plus de cette fonction, le petit circuit de protection comporte des prises pour la LED,  l'interrupteur et le porte-fusible à mettre sur le panneau avant ainsi que quelques pastilles où connecter les sorties 12V.

 


Fig 5: Protection contre les inversions accidentelles de polarité

 

 

Oui, je sais, certains d'entre vous vont me dire "Mais tu es rétrograde avec ton relais mécanique! Pourquoi n'utilises-tu pas plutôt un MOSFET?".  Tout simplement parce que la vie m'a appris de me méfier comme de la peste des composants électroniques de protection qui peuvent claquer simplement avec une tension électrostatique. Cela me rappelle une visite d'une usine électrique qui avait été modernisée. J'avais posé la question au chef d'atelier "Je présume qu'avec une telle mécanique (la turbine) protégé par toute cette électronique (une armoire), vous n'avez plus jamais de panne".  Il m'avait répondu "Nnnon avant on n'en avait jamais mais maintenant c'est l'électronique de contrôle qui tombe en panne!"...

 


Fig 6: Print de la protection

 

Mise en boîte du filtre


Fig 7: Le filtre vu de dessus

 


Fig 8: Vu de l'avant

 


Fig 9: Vu de l'arrière

 

   
Fig 10: Les circuits-imprimés: Ampli FOS, mixer et VCO



Fig 11: Courbe de réponse globale du filtre

On peut voir que la sélectivité est de 2MHz à -10dB et 3MHz à -60dB. Le gain du filtre dans son ensemble est de 8dB mais il est réduit à 0 dB avec l'atténuateur en sortie (qu'on peut omettre si on désire un peu de gain). Le DVB-T à 2 MHz de BW (Band Width = bande passante) passe parfaitement dans ce filtre, mais il faut bien le centrer.

 

Conclusion

 

Je remercie Henry F4WBG de m'avoir "lancé" sur ce projet avec ses idées et ses recherches sur le Net. Il a le coup pour dénicher des circuits intéressants et financièrement accessibles. Par exemple les FOS (SAW en anglais) ne coûtent qu'environ 2-3 Euros pièce. J'utilise presque quotidiennement ce filtre, placé derrière le convertisseur 45-437 MHz que j'ai mis derrière mon récepteur de trafic AR-5001DX. Tel-quel, cet équipement me permet de recevoir n'importe-quelle émission ATV (analogique FM) et DATV (DVB-S et T) sur n'importe-quelle fréquence de 40kHz à 3GHz. C'est l'installation de réception dont j'ai rêvé durant toute ma vie: hyper stable et précise, tous modes et toutes bandes! Je reste bien-sûr à disposition de chacun via mon adresse mail et mon site web.

 

73 Michel Vonlanthen HB9AFO

 

PS: Cet article a paru dans le Radio-REF de juillet-août 2017

 

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