Histoires

Le vie de château n'est pas celle qu'on croit



par Peter Kunz HB9MCL

Copyright Michel Vonlanthen Tous droits de reproduction réservés.

 

 

1984

 

J'ai été 4 fois dans ce pays bien aimé. Encore une courte mission de 2 mois, également à Saida. Mais une mission pas comme les autres.
 

Du côté télécom, c'était tout en VHF, aucune liaison HF avec HBC88. Le bureau, dans une cité au sud de Saida, plutôt une ancienne usine, sur l'axe routier Saida-Tyr. Une spécialité au Liban était qu'on avait toujours des super bureaux et logement car le propriétaire protégeait ses biens avec le drapeau CICR sur le toit. De la même façon, en ville de Saida le logement des délégués se trouvait dans un château.

 

"On t'a appelé à venir exercer ton 2ème métier chez nous", était le slogan à mon arrivée. De quoi s'agit-il ?

Les délégués rentrent le soir, fatigués, ouvrent le au frigo et chacun prend un morceau de son fromage et du pain et se retire dans sa chambre pour manger. Donc, souvent son morceau a déjà trouvé un autre preneur et le désaccord entre eux programmé. La même chose pour le petit déjeuner. Ils ne se parlaient plus.

 

Je me dis "Avec ton savoir faire gastronomique, tu les ramènes à table et le moral sera réparé". D'abord visiter le marché pour voir ce qui est dispo, je me lance. Lever tôt le matin, le beurre, la confiture et le pain prêts, la table bien décorée, le café bien chaud. Petit à petit, ils se disent "Bonjour". Rebelotte au soir, le soûper bien copieux les invitait et les sourires réapparaissaient. Je me faisait plaisir mais à eux aussi.

 

Le jour arrive, il nous faut une antenne VHF sur le toit de cette usine de 2 étages. L'orthopédiste Pierre est prêt à m'aider. Le matos réuni, avec une échelle, nous montons, un après-midi bien ensoleillé. Un petit mât, accroché aux ferrailles de béton faisait l'affaire.

 

On entend des tirs de kalashnikov comme d'habitude, ca ne nous concerne pas, c'est normal. Mais des cris venant de nos bureaux en dessous nous alertent quand-même. Une secrétaire monte sur l'échelle et nous crie:  "Descendez tout de suite, ils vous tirent dessus!". Les tireurs visaient trop bas et les balles finissaient dans nos bureau en dessous. Elles traversaient même les armoires, y compris les dossiers qui étaient à l'intérieur.

 

Nous nous mettons à plat ventre et glissons vers l'échelle. Mais comment faire? Nous voulions finir notre installation. Mon ami proposait de la faire de nuit pour être à l'abri des snipers. Ok, sans rien dire à personne, la nuit tombant, nous voila à nouveau sur le toit. Il n'a pas fallu attendre cinq minutes pour que les balles sifflent.

Couchés sur le toit, nous abandonnons notre installation pour toujours...

 

Peter Kunz HB9MCL

 

 

 

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