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To DMR or not DMR, that is the question !

 

C'est vrai que le développement de la phonie numérique sur 430 MHz est assez affolant. Rien qu'autour de chez moi, j'ai 10 relais DMR suisses à portée et un français (peut-être plus), sans compter les relais C4FM,  D-STar, etc. Le meilleur sommet du bassin lémanique, La Barillette, en a un, installé par l'IAPC/SWISSATV (sortie 438.250 !).

 

Je pense qu'on devrait légiférer à cet égard et limiter la portée des  relais de phonie numérique. Ces relais étant reliés entre eux par Internet, on peut donc admettre que c'est sur Internet que la distance est parcourue, pas sur l'air. Sur l'air, en l'occurrence dans la bande 430 MHz, seule la distance entre l'utilisateur et le relais le plus proche est couverte, c'est-à-dire quelques kilomètres, d'où l'utilisation quasi-exclusive de petits "pockets", talkie-walkies tenus à la main.

 

L'utilisation de "*pockets" et de leurs antennes quart d'ondes, a une conséquence, celle de devoir multiplier le nombre de relais. En FM ce n'est pas le cas puisque la majorité des utilisateurs trafiquent avec des transceivers multimodes puissants, généralement plusieurs dizaines de Watts, équipés d'antennes à gain sur le toit. En phonie numérique, c'est quelques Watts en "high power" et une antenne quart d'onde sur le talkie-walkie, presque rien donc.

 

La phonie numérique c'est en fait de la téléphonie cellulaire. Elle en utilise les mêmes techniques et provoque les mêmes habitudes de consommation, c'est à-dire trafiquer avec presque rien comme équipement. Sa seule différence, c'est que le routage internet ne fait pas passer d'un relais physique à un autre lorsque le signal devient insuffisant (en mobile).

 

Une autre conséquence, c'est que ceux qui utilisent la phonie numérique perdent l'habitude (en supposant qu'ils l'aient eu un jour), de trafiquer "proprement", en se passant le micro et en donnant les indicatifs lors de QSO multiples. Ce qui est compréhensible puisque l'écran du pocket affiche l'indicatif et le prénom du correspondant. Et aussi que le signal est toujours 59, c'est ça ou rien du tout, pas de nuance. Inutile donc de se passer un report. Il s'ensuit un trafic qui ne ressemble plus du tout à celui que nous pratiquons sur nos bandes.

 

Et il y a aussi autre chose: un QSO en DMR est hyper confortable, on s'entend tous parfaitement, la distance ne joue plus aucun rôle. Du fait de l'acheminement des communications par Internet, on peut causer avec n'importe qui dans le monde entier. Exactement comme avec un smartphone.. Si le but est de pouvoir PARLER avec quelque'un n'importe-où dans le monde, il faut avouer que la phonie numérique est parfaite, c'est du "téléphone".

 

Reste une question: l'essence du radioamateurisme n'est pas de parler avec n'importe-qui dans le monde mais de développer et d'affiner des équipements qui puissent le faire. Le QSO permet ensuite de vérifier que la performance est réalisée, c'est tout. Le contenu de la communication n'est pas le plus important. En théorie, nous ne devrions d'ailleurs pas faire de concurrence au téléphone. Ce n'est évidemment plus le cas avec la phonie numérique, qui s'apparente de plus en plus à un téléphone gratuit.

 

Je me suis dès demandé pourquoi nos autorités n'étaient pas plus sévères sur le respect du contenu de nos QSO numériques. Après réflexion, je peux imaginer un début de réponse: avec la paranoïa actuelle contre le terrorisme et l'espionnage généralisé de chaque citoyen qu'elle suscite, il peut devenir tentant de vouloir contrôler toutes les communications, les nôtres y comprises. En tolérant quelques écarts d'utilisation, la phonie numérique permet une écoute totale et complète de tout ce qui s'y dit puisque l'acheminement de chaque conversation se fait par Internet. Il n'est même plus nécessaire d'être à portée radio de l'espionné, il suffit d'être raccordé à Internet n'importe-où dans le monde. On facilite même le travail des espions en installant des récepteurs SDR sur le Net, récepteur qui permettent d'écouter le trafic analogique (FM, SSB et autres) depuis n'importe-où dans le monde! C'est d'ailleurs comme cela que j'ai eu le plaisir d'avoir des nouvelles d'un copain perdu de vue depuis longtemps: il m'avait entendu sur le SDR du Salève, en trafic sur 144.750 FM!

 

Je me pose maintenant un question quasi-existentielle:
 

Il est évident que la voie de service ATV/DATV que j'aimerais créer serait une "bénédiction" pour nous puisque nous nous entendrions tous impeccablement, quelles que soient les distances qui séparent tous les participants au "QSO". Cela nous permettrait, enfin, de faire des chaînes de retransmission ATV/DATV sur de très grandes distances, à la limite dans le monde entier, puisque nous pourrions tous nous coordonner parfaitement. Reste une question: nous aurions déjà une voie de service parfaite. La tentation ne serait-elle pas alors de faire toutes nos parlotes en phonie numérique puisque c'est tellement plus confortable?  Et même plus: pourquoi alors ne pas également acheminer nos images TV par Internet? Par streaming ou par Skype par exemple? Si nous le faisions, ne serait-ce pas le plus grand autogoal de l'histoire du radioamateurisme?

 

Un peu comme un OM qui brûle d'impatience de construire son équipement afin de pouvoir l'utiliser. Son plaisir, à lui, c'est de construire ses appareils car c'est un fan du fer à souder. Mais il est tellement pressé de pouvoir utiliser son nouvel équipement et d'en parler avec ses copains qu'il cède aux appels du commerce chinois et achète son appareil tout fait. Alors oui, il aura du plaisir à l'utiliser et en parler avec ses copains, mais il se sera alors privé de l'essentiel de sa passion: le plaisir de construire et d'expérimenter. L'autogoal dans toute sa splendeur!...

Voilà un peu la question que je me pose. Ne sommes-nous pas en train de soulever le couvercle de la marmite du diable ? Ca fait réfléchir non ?

 

73 Michel HB9AFOo